Chapitre 3 : sportif, naturaliste et culinaire
Si vous êtes au nord de Sao-Tomé et si, par hasard, à part des tenues de plage, tongues et chapeaux, vous avez mis dans la valise l’équipement adapté à la randonnée dans la forêt équatoriale (chemises manche longue, pantalons, tente etc.) et n’avez pas peur d’être mouillés par la pluie torrentielle, vous pouvez profiter de quelques itinéraires proposés par les agences touristiques : chercher une roça perdue et énigmatique, monter sur le Monté Pico ou tout simplement se balader dans la nature. Celle-ci s’invite toute seule. Comme aujourd’hui lors du petit déjeuner.
– Avez-vous peur des serpents ? – nous demande Maurizio l’air insouciant.
– Ca dépend du contexte. Pourquoi ?
– Il y en a un juste au dessus de vous.
Je lève la tête. Un fil vert, long et luisant pendouille avec la nonchalance matinale au dessus de la tête de mon adorable. Une femelle qui s’y connait en mâles, je présume.
– N’aillez pas peur, – nous rassure Maurizio, – il chasse des geckos.
– Il n’est pas venimeux, j’espère,- remarque passablement l’objet de convoitise.
La dame a été identifiée comme phitolamnus thomensis, une espèce endémique et absolument pacifique. Il n’y a pas de gecko à l’horizon, elle perd tout l’intérêt à notre vaine existence. Eh, oui ! Nous nous sentons invités dans ce monde qui grouille, qui crapahute, qui glisse et grimpe, qui saute et prolifère en abondance ici. Oui, il y a de la vie : des lézards, des araignées grandes et pas trop, une foule d’oiseaux et même des chèvres. Ils gambadent sur le territoire de Mucumbli en troupeaux joyeux. Si vous êtes sur la plage, regardez attentivement sous vos pieds – les minuscules Bernard l’Hermite tirent leurs coquilles colorées, toujours aux aguets. Les eaux sont poissonneuses. Le poisson est charnu et parfois très impressionnant par sa taille, comme cet espadon de plus de 2 m de long qu’on avait vu transporté en porte-à-faux sur un scooter. Les ados sur la plage tentent de pêcher leur déjeuner, armés d’un simple masque et d’une tige métallique. Ils sont tout prés de la côte et notre présence les gène car certains nagent nus :). Des pirogues, comme des jouets, sont éparpillées partout sur la surface en faisant des allers-retours toute la journée. Parfois, les pêcheurs montent un petit carré de voile blanche et le paysage devient poétique. Pour les âmes mordues par la pêche, c’est un endroit idéal.
Nos âmes à nous sont mordues par le vélo. La nouvelle qu’on puisse les louer à Mucumbli, nous a fait pousser des ailes et naître des projets dignes de Napoléon. Avec un air très professionnel nous choisissons et ajustons nos vélos (un peu rouillés dans un climat pareil mais peu importe, l’essentiel est que les freins marchent). Combien de kilomètres jusqu’à Santa Catarina ? 40-42 km aller-retour sur une route goudronnée? Oh, ça va aller! Fastoche! Elle monte et descend ? Même pas peur ! Bon, bref, on y va !
Les mines rayonnantes, excitation dans le ventre nous pédalons sous les regards des indigènes qui nous observent avec un amusement mélangé à de l’étonnement. La route est belle – cacaotiers, palmiers, badamiers et je ne sais plus quelles espèces de plantes et d’arbres équatoriaux se succèdent ; des milans patrouillent prudemment au dessus de nos têtes dans le ciel. Peu à peu nos « Holà ! » joyeux cèdent la place aux visages rouges, mouillés de sueur avec des grimaces qui n’invitent pas à la communication. Les poumons se déchirent, le cœur s’emballe et on l’entend pomper du sang au régime « pression maximale ». Une pensée-traître s’installe dans la tête : « J’abandonne ! Ici ! Immédiatement ! » Mais une autre, toute petite et vachement têtue, me fait serrer les dents, met dans la tête « Non, les braves gens n’aiment pas que. L’on suive une autre route qu’eux… » et me pousse à attaquer la plus longue montée, à la vitesse de l’escargot. Je vous jure cette motivation donne du rythme et aide à survivre. Bref, les aléas du climat équatorial (+28 et l’humidité qui frôle 100%) en compagnie de la route montagnarde, qui monte et descend sans cesse, ont corrigé nos ambitions. A l’arrivée 23 km au compteur avec une forte envie de prendre la position horizontale et manger un éléphant.
A propos de manger. Nous avons fait le choix de profiter du poisson local mais avoir de la viande de chèvre, du lapin ou du poulet est possible également. Nous avons goûté un plat local, dont je ne me souviens pas le nom, qui est un délicieux mélange de poisson genre espadon avec la chair de l’aubergine, tendre et goûteux. Il est servi avec du riz. Sinon, si vous êtes à Mucumbli, le gâteau au chocolat est un « must ». Il est fait du chocolat local, bien évidemment, avec des brisures de fèves du cacao. Cette petite barre dense, tendre et parfumée, est servie avec un trait de coulis de fruit de la passion. La réputation de ce dessert fait venir le monde de la capitale chaque week-end. Le mariage fruit de la passion + chocolat est une découverte pour moi. Un couple harmonieux et complémentaire. Il faut dire que je suis devenue une fan de ce fruit, plus précisément de son parfum, exotique et intense. Je le hume longuement comme une droguée. A part de le consommer en dessert, je vous propose de l’ajouter dans un gin-tonic. C’est pas mal :).
Savez-vous que le fruit de la passion (ou maracudja) pousse sur une liane. Il est plein de vitamines notamment des vitamines C, A, du Potassium et du Phosphore. C’est un fruit qui risque de disparaître surtout dans les endroits où la population d’abeilles diminue considérablement. A Sao-Tomé, par exemple, la plante est pollenisée manuellement. Quel boulot !
Autre découverte gastronomique – le pitanga. Un petit fruit rouge qui ressemble à une tomate cœur de bœuf en miniature. Son goût, assez discret, est moyennement sucré, légèrement acidulé avec un soupçon très-très lointain de tomate. On le sert en jus (rafraîchissant) ou en salade de fruit.
Si vous êtes amateurs de vin comme nous, le meilleur accompagnement pour vos plats dans ce climat est incontestablement le vinho verdé. Nous avons mis notre chauvinisme vinicole de côté car la fraîcheur perlante et légère des 9 degrés de ce vin blanc portugais nous a procuré un plaisir sans prétention chaque soir. A ce propos, il fait déjà nuit et l’heure de dîner approche. Les geckos, il me semble six au total, au dessus de ma tête sont déjà en plein festin. Il est temps d’aller boire un verre de vinho verde pour la diversité des espèces et la richesse de la nature. Tchin-Tchin !
P.S. Mucumbli est un endroit idéal pour ceux qui cherchent de l’apaisement, du calme et la proximité de la nature. Vous ne trouverez pas de télé dans les bungalows ni d’ailleurs autre part. La wi-fi n’est disponible uniquement le soir qu’à partir de 18h00 dans le restaurant. N’aillez pas peur si, dans une chambre, vous croisez une araignée. Après tout, elle est chez elle et ce sont vous les invités. Comme il n’y a pas de fenêtre au sens classique (des moustiquaires et volets en bois au lieu des vitres), les geckos se baladent en liberté sur toutes les surfaces. Ils chassent les insectes en bons amis. Très bonne nouvelle pour une zone équatoriale – il n’y a pas de moustique à paludisme. Ils ont été exterminés selon les autorités. Cela ne dispense pas néanmoins d’un anti-moustique adapté car il y a d’autres bestioles qui piquent. Chaque bungalow, d’ailleurs, est traité et vous trouverez une bombe anti-moustique à l’intérieur au cas où.